Cette semaine, j’ai reçu une mauvaise nouvelle. Mon frère Dave préparait sa réorientation professionnelle depuis 18 mois. Il avait ciblé un master, réussi les entretiens etc etc. Il restait l’ultime étape: le visa. Et là, après des semaines de paperasse, de pré-entretiens, d’entretiens et d’attente, ils ont dit non.
Ça m’a beaucoup touché, dégoûté même. Toute une soirée à me lamenter comme un enfant. Où est le rapport avec le Yoga me direz-vous? Où est le rapport avec la paix intérieure?
Pic by Sarah M.
Dans cette affaire je n’étais que son assistant, l’aidant du mieux que je pouvais. Et toute la famille l’avait soutenu pareil. Et pourtant je suis profondément touché. Ce refus qui arrive à la dernière minute est juste… ouais dégoûtant. J’en ai eu la larme à l’oeil. Pourquoi lui? Pourquoi maintenant? Après tout ces efforts qu’il a fait! Et tout ce soutien que nous lui avons apporté! Et après ça, pourquoi tu veux continuer à avancer? Avancer vers quoi au juste? pfffff
Après quelques jours, l’histoire zen du vieux monsieur, de son fils et de son cheval m’est revenue. Écoutons-la dans la version de Mohamed Sangaré
Un paysan Chinois suscitait la jalousie des plus riches du pays parce qu’il possédait un cheval blanc merveilleux. Chaque fois qu’on lui proposait une fortune pour l’animal, le vieillard répondait :
Conte Zen, Raconté par Mohamed Sangaré
» Ce cheval est beaucoup plus qu’un animal, pour moi, c’est un ami, je ne peux pas le vendre. »
Un jour, le cheval disparut. Les voisins rassemblés devant l’étable vide donnèrent leur opinion :
« Il était prévisible qu’on te volerait ton cheval. Pourquoi ne l’as-tu pas vendu ? «
Le paysan se montra plus dubitatif:
« N’exagérons rien, dit-il. Disons que le cheval ne se trouve plus dans l’étable. C’est un fait. Tout le reste n’est qu’une appréciation de votre part. Comment savoir si c’est un bonheur ou un malheur ? «
Les gens se moquèrent du vieil homme. Ils le considéraient depuis longtemps comme un simple d’esprit.
Quinze jours plus tard, le cheval blanc revint. Il n’avait pas été volé, il s’était tout simplement sauvé et présentement ramenait une douzaine de chevaux sauvages avec lui. Les villageois s’attroupèrent de nouveau.
« Tu avais raison, ce n’était pas un malheur mais une bénédiction. »
« Je n’irai pas jusque là, fit le paysan. Contentons-nous de dire que le cheval blanc est revenu.
Comment savoir si c’est une chance ou une malchance ? »
Les villageois se dispersèrent, convaincus que le vieil homme déraisonnait. Recevoir douze chevaux était indubitablement un cadeau du ciel. Qui pouvait le nier ?
Le fils du paysan entreprit le dressage des chevaux sauvages. L’un d’eux le jeta à terre et le piétina. Les villageois vinrent une fois de plus donner leur avis :
» Pauvre ami ! Tu avais raison, ces chevaux sauvages ne t’ont pas porté chance.
Voici que ton fils unique est estropié. Qui donc t’aidera dans tes vieux jours ? Tu es vraiment à plaindre. «
» Voyons rétorqua le paysan, n’allez pas si vite. Mon fils a perdu l’usage de ses jambes, c’est tout. Qui dira ce que cela nous aura apporté ? La vie se présente par petits bouts, nul ne peut prédire l’avenir. »
Quelques temps plus tard, la guerre éclata et tous les jeunes gens du pays furent enrôlés dans l’armée, sauf l’invalide.
» Vieil homme, se lamentèrent les villageois, tu avais raison, ton fils ne peut plus marcher, mais il reste auprès de toi tandis que nos fils vont se faire tuer. »
« Je vous en prie, répondit le paysan, ne jugez pas hâtivement. Vos jeunes sont enrôlés dans l’armée, le mien reste à la maison, c’est tout ce que nous puissions dire. Dieu seul sait si c’est un bien ou un mal. »
Il est trop raisonnable ce vieux paysan. Pour moi les faits sont clairs: ils ont blackboulé brutalement notre projet, Fait 1. Je suis dégoûté et je souffre. Fait 2.
Je sais que je refuse d’accepter cette décision négative et ses implications. Et c’est mon refus qui est ma plus grande cause de souffrance.
Alors la sagesses zen est bien gentille, mais en attendant je souffre. J’ai souffert. Jusqu’à ce que j’accepte de lâcher prise sur mon aversion, jusqu’à que j’accepte les faits tels qu’ils sont.
Et maintenant, quelques jours plus tard, la déception est toujours là. Mais la souffrance a diminué et il y a un peu (plus) d’espace pour oser imaginer l’avenir. De quoi sera-t-il fait? Aucune idée. En tout cas, nous essaierons de l’accepter!