C’est un fait, l’espérance de vie atteint des sommets inédits. Mais dans quel état allez-vous vivre ces années supplémentaires? Si la fin est inéluctable, est-ce que les derniers kilomètres peuvent être des moments d’expansion et de joie? Ou des moments d’incapacité et de limitation? Vieillissement ou longévité? Si vous aviez le choix, que choisiriez-vous?
Commençons par les faits. En 1900, l’espérance de vie d’un nouveau-né était de 32 ans. Un siècle plus tard,elle était de 71 ans1. En France en particulier, l’espérance de vie était de 60 ans en 1950. Aujourd’hui, elle est de 83 ans, voire 86 ans pour les femmes 2, 3. Selon une récente étude, une personne de 65 ans en bonne santé aujourd’hui peut espérer vivre 10 à 12 ans de plus sans incapacité 4 .
Au fait, précisons la notion d’espérance de vie. En termes simplistes, l’espérance de vie est le nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre, en moyenne. Elle est calculée par un mécanisme statistique complexe, basé sur l’observation des durées de vie. Comme pour toute moyenne, certains vivront plus longtemps. Il y aura peut-être des péripéties et des bobos et des guérisons sur le trajet. Et en moyenne, on vit jusque là.
Il est intéressant de noter également que cette espérance de vie devrait continuer à augmenter: 86 ans en 2050 et 90 ans en 2100. Donc vous allez vivre longtemps, soit.
Quelle fin?
Dans l’imaginaire collectif, la fin de vie est souvent associée à la perte d’équilibre, à une baisse d’autonomie, et un déclin des capacités cognitives et de la mémoire, entre autres. Je vais m’abstenir de vous faire la liste de toutes les arthroses, cancers et autres. Avec cette perspective, l’augmentation de l’espérance de vie serait allongement et aggravation du déclin de l’individu. A moins que!
A moins qu’il soit possible de jouir entièrement et de créer jusqu’à un âge avancé, jusqu’à la fin. Imaginons que ce soit possible! Ou même en partie possible. Ce serait génial non?
La vie devrait être une aventure passionnante. Elle ne devrait jamais être une purge. L’on devrait vivre pleinement, être vivant.
— Earl Nightingale
Rêve éveillé
Ca voudrait dire que si Sophie, âgée de 70 ans maintenant commence des études de psychologie demain, elle aura soutenu sa thèse de doctorat avant que mon fils de 3 ans n’ait eu son bac. Et si Edgar, âgé de 60 ans, commence les cours de piano aujourd’hui, ilsaua jouer parfaitement des oeuvres de Mozart d’ici 12 ans, et il aura en plus suffisamment d’années pour maîtriser le maraîchage! Imaginez, maraîcher à 85 ans.
Et quand vous aurez fini de rêver, prenez bien note de ceci. Nos capacités cognitives et physiques peuvent être préservées, voire améliorées, et la pratique du yoga peut jouer un rôle dans cette dynamique. La pratique du yoga améliore notre amplitude de mouvement, augmente notre énergie et impacte notre sérénité, mais tout cela vous le savez déjà. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est l’effet du yoga sur notre cerveau et nos facultés cognitives. Les scientifiques se penchent régulièrement sur la la question.
Un engrais pour le cerveau
Des études sont menés régulièrement par les équipes scientifiques pluridisciplinaires et les résultats confirment les effets bénéfiques du yoga sur le cerveau.
- Hoy et al. (2021) 5 : Une revue de six études randomisées a révélé des améliorations significatives des facultés cognitives chez les personnes âgées en bonne santé, notamment la mémoire et les fonctions exécutives.
- Chobe et al. (2020) 6: Une analyse critique de 13 essais cliniques a montré des améliorations notables sur la mémoire, l’attention et les fonctions exécutives, ainsi qu’une réduction de la dépression pour des adultes âgés.
L’année dernière, Grzenda et al. (2024) 7 ont mené un essai clinique randomisé sur une population 79 femmes de plus de 50 ans. Ces patientes avaient identifié une baisse cognitive et présentaient des facteurs de risque élevé pour la maladie d’Alzheimer.
La moitié du groupe a bénéficié du yoga avec un cours hebdomadaire en groupe plus une pratique individuelle quotidienne (12 minutes). L’autre moitié du groupe a reçu un entraînement cérébral avec un instructeur de mémorisation qualifié ainsi qu’un exercice de mémoire quotidien de 12 minutes.
Les yogis ont altéré l’expression de plusieurs gènes liés au vieillissement et à l’inflammation, laissant ainsi supposer un lien entre les effets anti-inflammatoire et cognitifs de la pratique du yoga.
Les interventions ont duré 12 semaines et le groupe a été suivi pendant 24 semaines par questionnaire, prélèvement sanguin et séquençage ARN à S0, S12, et S24. L’évaluation 24 semaines après a démontré une réduction significative des limitations cognitives pour les pratiquantes de yoga comparée au groupe d’entraînement à la mémorisation. L’étude a aussi montré que les yogis ont altéré l’expression de plusieurs gènes (chemokine eotaxin-1, interferon gamma,…) liés au vieillissement et à l’inflammation, laissant ainsi supposer un lien entre les effets anti-inflammatoire et cognitifs de la pratique du yoga. Cet essai clinique a fait l’objet d’une couverture détaillée par le washington post8. 9
Réseaux de neurones et matière grise
Selon Voss et al. (2022)10, le yoga optimise la communication cérébrale en facilitant l’intégration des réseaux neuronaux, ce qui renforce les capacités cognitives et favorise une meilleure régulation du stress. « En contribuant à rendre les réseaux de neurones plus intégrés et efficients, la pratique du yoga pourrait conduire à une ‘bande passante cognitive’ élargie disponible pour les demandes cognitives pour améliorer globalement l’efficience des ressources neurocognitives ».
Le panneau de gauche montre les connectivités inter-réseau que pourrait développer la pratique du yoga. Voss et al. [2022]
Selon van Aalst et al. (2020)11, qui ont mené une méta-étude de 34 publications en neuro-imagerie, incluant IRM et scanners, la pratique régulière du yoga:
- Augmente le volume de matière grise dans l’insula (proprioception) et l’hippocampe (mémoire).
- Stimule les régions corticales préfrontales.
- Modifie la connectivité fonctionnelle donc l’efficience des réseaux neuronaux, notamment le « default mode network ».
Le réseau « default mode network » coordonne l’activité du cerveau quand nous sommes « dans nos pensées »; il gère notamment le souvenir des évènements, le concept de soi, ainsi que le traitement des épisodes émotionnels.
Une pratique intelligente
C’est le bon moment pour rappeler que le yoga qui est disséqué ici par les chercheurs est est une pratique holistique, intégrée. Il s’agit d’une combinaison harmonieuse de postures (asana) et de respiration (pranayama). La méditation (dhyana) est une brique à part entière de la palette. Et la relaxation profonde, avec savasana et toutes les postures restoratives est essentielle.
Pour ma part, il y a 15 ans, je traînais un pénible mal de dos avec un pronostic d’infiltration à vie. Aujourd’hui, c’est presque surréaliste de le raconter, tellement mon dos est robuste et souple. Alcool, viandes et sucre blanc industriel ont drastiquement diminué dans mon alimentation, comme ça, sans aucun régime et j’ai pu vider l’armoire à pharmacie. J’ai cessé d’ajouter des noms à ma liste de rancunes, et j’ai même commencé à en supprimer, y compris le mien. Je rajeunis à vue d’oeil, je n’ai aucune intention de m’arrêter. Je me sens plus jeune que jamais, et à 92 ans, je compte bien être au sommet de ma forme !
Et si vous ne me croyez pas, regardez l’histoire de Tao Porcher-Lynch, doyenne des enseignants de yoga jusqu’à sa mort à 101 ans en 2020. Elle a commencé le tango à 87 ans, suffisamment tôt pour gagner quelques compétitions. Et ensuite regardez Hou Zhenshan, dans son magnifique titibhasana à 84 ans.
Faites le choix de votre longévité
Si vous pratiquez déjà le yoga, quels en sont les effets sur votre vie ? Si ce n’est pas encore le cas, il est toujours temps de commencer. Et si vous avez déjà essayé sans accrocher, je vous invite à un nouvel essai. Choisissez une pratique qui vous respecte, qui vous grandit, qui vous réjouit.
Vous avez probablement encore des décennies à vivre. Vous avez le temps de construire les structures d’une longévité harmonieuse. Commencez maintenant, une fois par semaine avec un cours collectif peut-être. Et créez dès maintenant l’habitude d’une pratique quotidienne, démarrez avec 5 minutes par jour. Plus que la durée, c’est la qualité, c’est à dire ici l’intention d’être attentive et curieuse, qui compte et qui se cumule, séance après séance. Après 7 ans vous aurez cultivé une colonne vertébrale étincellante. 14 ans ça passe vite. Et dans 20 ans vous me raconterez vos prouesses devant une infusion de gingembre.
Amusez-vous. Savourez votre longévité. Commencez aujourd’hui.
Sources:
- University of Oxford / United Nations: https://ourworldindata.org/life-expectancy ↩︎
- DatabaseEarth / ONU https://database.earth/population/france/life-expectancy ↩︎
- Worldometers https://www.worldometers.info/demographics/life-expectancy/ ↩︎
- Ministère de la Santé > DREES https://sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/vivre-vieux-et-mieux-plus-longtemps-allongement-de-l-esperance-de-vie-sans ↩︎
- Hoy et al. (2021): Effects of yoga-based interventions on cognitive function in healthy older adults: A systematic review of randomized controlled trials. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0965229921000315 ↩︎
- Chobe et al.(2020): Impact of Yoga on cognition and mental health among elderly: A systematic review. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0965229919319016#preview-section-abstract ↩︎
- Grzenda et al. (2024): Cognitive and immunological effects of yoga compared to memory training in older women at risk for alzheimer’s disease. https://www.nature.com/articles/s41398-024-02807-0 ↩︎
- Yoga for the brain: It may sharpen your mind, protect against cognitive decline: https://www.washingtonpost.com/wellness/2024/08/15/yoga-cognition-improvement-physical-mental-health/ ↩︎
- Voir cet essai clinique plus ancien (2017) relayé par psychomedia: Effets comparés du yoga et de la méditation sur la cognition, l’humeur et l’énergie https://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/2017-09-06/yoga-meditation-compares ↩︎
- Voss et al. (2022): Yoga Impacts Cognitive Health: Neurophysiological Changes and Stress-regulation Mechanisms https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC10033324/#S12 ↩︎
- van Aalst et al. (2020): What Has Neuroimaging Taught Us on the Neurobiology of Yoga? A Review. https://www.frontiersin.org/journals/integrative-neuroscience/articles/10.3389/fnint.2020.00034/full ↩︎