Le weekend du 13 Mars dernier, nous avons conclu notre formation avancée d’enseignant de yoga avec la présentation des thèses et la remise des diplômes. 3 ans plus tard, entre planning, plannings corrigés et planning amendés, entre confinements et zoom et présentiel, nous avons enfin terminé. Un grand moment.
De retour chez moi le lundi, je ressentais cette grande fatigue, accumulée depuis des semaines avec les différentes deadlines et le bébé – ou les bébés devraient-je dire. Et aussi, je ressentais que je n’avais plus envie de me « battre », de « m’accrocher » à ma marotte; et c’était très bizarre. Certains l’ont qualifié le « post-workshop-syndrome ».
Et en même temps, je ressentais que je continuais à pratiquer sereinement, librement, sans pression. C’était vraiment bizarre.
Il y a une phrase célèbre sur la motivation:
Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles.
Oscar Wilde
En fait elle illustre bien mon état initial dans la transition que j’ai vécu dans cet apparent moment de chaos. En visant les étoiles, je pose un objectif et je me conditionne pour le réaliser. Et je travaille pour y arriver. Je m’échine, je m’accroche, je me déchire, littéralement. L’objectif est ambitieux, de l’ordre de plusieurs années de travail et tout ce temps je reste sous pression. Je peux m’épuiser et me vider. En même temps c’est ma drogue, presque ma raison de me lever le matin.
Et donc ce fameux mardi, ce que j’ai ressenti, c’est que je ne voulais plus m’accrocher à mon objectif, trimer vers mokṣa, je ne voulais plus aller le chercher. C’était un ressenti limpide et harmonieux, venant des profondeurs, de ceux que l’on ne peut pas ignorer.
Et là je me dis où là! C’est quoi cette dérive? Je ne peux pas juste tout lâcher comme ça! L’objectif est noble! Et donc je vais glander? Au secours! Tout mon paradigme sur la fixation d’objectif et les modalités de progrès en train de voler en éclats. Je ressens la peur.
En parallèle de cette pensée « analytique », du mental comme disent certains, je pouvais ressentir également que je continuais de pratiquer, le pranayama par exemple, avec une grande décontraction. Comme si la destination, ou plutôt l’arrivée à destination, n’avait plus d’importance , et que c’était le voyage qui était devenu le coeur du sujet.
Cet alors qu’une autre citation sur la motivation prend tout sons sens:
Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.
Mark Twain ou Marcel Pagnol.
Je peux effectuer chaque pas avec le coeur et l’esprit léger. L’obsession de la destination a laissé de la place dans mon esprit, et dans mon coeur. En s’appuyant sur les yoga sutra, mon amie Neda dirait Le bonheur est aujourd’hui, pas demain.
Dans les faits, je me rends compte que je pratique autant sinon plus qu’avant. Et me sont apparues des percées nouvelles dans des zones que j’explorais depuis des années, comme les hanches ou les bras; une nouvelle révélation de l’essence du sacrum. J’ai écrit à mon ami Mario: « la fluidité de mon épaule droite vient de passer 3 paliers, tout ça en 10 jours, une zone que j’explore assidûment depuis 5 ans ». Lâcher-prise sur l’objectif ne m’a pas rendu fainéant; au contraire; et plus encore, mes efforts sont devenus autrement plus efficaces.
Donc l’objectif semble être efficace pour mobiliser mon énergie… vers une réussite « inférieure », en dessous des étoiles, au prix d’une pression et d’un épuisement total. Et quand, ou si, enfin, j’arrive à la fameuse lune, je suis simplement lessivé, trop fatigué pour continuer le voyage vers les étoiles. En fait, l’objectif me permet de m’épuiser vers une limite fixée.
Avec l’intention, par exemple l’intention de pratiquer avec sincérité, je ne suis plus limité dans un cadre artificiel. Il y a alors la place pour transcender ce que je crois être et aller vers ce que je suis.
Pour en arriver à ce constat, plutôt cette réalisation, dans ma chair et dans mon esprit, il a fallu un moment de transition, bouleversant et effrayant. Accepter de lâcher-prise, au milieu de la tempête, et accepter de regarder ce qui est présent. Le chaos pour installer un nouveau paradigme.
Il y a alors la place pour transcender ce que je crois être et aller vers ce que je suis.
Toucher le lâcher-prise, le cultiver, c’est ce que j’apprends depuis toutes ces années avec le Restorative Yoga. Et je viens là, je pense, simplement de toucher un autre versant de cette pépite. Une autre fleur de la grappe s’est ouverte.
Avant, sur mon chemin de compostelle, je marchais pour aller voir le roi. Maintenant je marche pour la marche. Concrètement je continue d’user mes chaussures sur le sentier, et désormais avec un peu plus de liberté.
Et ça mes amis, c’est absolument … je ne trouve pas le mot.